Lutte contre l'exclusion (4)

Avec le "Revenu Inconditionnel ....!! plus personne ne voudra travailler !

Nous avons bien souligné que chaque individu, quelles que soient ses activités - pourvu qu'elles ne soient pas jugées nuisibles par la société - contribue à l'enrichissement de celle-ci .
A ce titre, le versement à tous d'un Revenu Inconditionnel est parfaitement fondé.
Cependant, la création de richesse sociale ne saurait suffire à assurer le bon fonctionnement de la société et répondre à l'ensemble des besoins de ses membres.
Dès lors, à en courage toutes les formes d'utilité sociale grâce au "Revenu Inconditionnel", ne risque-t-on pas d'oublier de faire face aux nécessités économiques et matérielles ? Et de nous mettre en garde contre une désertion partielle du marché du travail.
Le travail est-il vraiment plus pénible qu'épanouissant ?
La plupart d'entre nous ne s'y livre-t-il que sous la contrainte? Ce serait le "faut bien gagner sa croûte" qui dominerait !
Chacun(e) évaluera la justesse de ces propos à la lumière de son vécu quotidien. Ce qui est assuré c'est qu'il n'est pas interdit de rendre le travail épanouissant voire passionnant : une question d'organisation. Ce qui est assuré c'est aussi "qu'il faut travailler moins pour travailler tous " !!
On peut effectivement craindre une désertion du marché du travail mais le fait qu'elle remettrait en cause la capacité de la société à répondre à ses propres besoins freinerait naturellement la tendance.
D'autre part, cette menace se combat par l'attractivité des tâches et ne peut constituer une stratégie pour détourner le débat sur le "Revenu Inconditionnel" et notamment sur les questions morales et de fond qu'une telle mesure soulève.
Y aura-t-il nécessité d'organiser le travail autrement et de le rendre plus attrayant plus valorisant moins imbécile, certes et c'est tant mieux n'en déplaise aux profiteurs ?! !!Que feriez-vous si un revenu vous était garanti ?
Continueriez-vous à exercer votre emploi ? C'est une des nombreuses questions posée en 2010 aux participants de l'enquête sociale européenne. (European Social Survey, Round 5, Data 2010).
Résultat, si 15% des personnes interrogées n'ont aucune idée de ce qu'ils feraient si un revenu leur était garanti, 42,5% pensent qu'ils conserveraient leur emploi et ils sont aussi nombreux à répondre par la négative. Mais bien sûr, ne pas conserver son emploi actuel ne signifie pas arrêter toute activité professionnelle. Cela peut être "Travailler autrement " (sic) et changer de boulot.
A cet égard il existe un documentaire allemand "le Revenu de base" (2008 qui dévoile un autre sondage intéressant. Cette fois 60% des personnes interrogées affirment qu'ils ne changeraient rien leur activité professionnelle, 30% pensent qu'ils réduiraient leur temps de travail ou changeraient d'emploi, et seulement 10% déclarent qu'ils quitteraient immédiatement leur boulot.
Tout cela est hypothétiques certes, mais on peut tirer des enseignements des expérimentations grandeur nature menées en Amériques du Nord dans les années 1970 et 1980.
A la fin des années 1960, les Etats-Unis ont sérieusement envisagé l'instauration d'un "Revenu Inconditionnel". Suivant les recommandations de Milton Friedmann et d'une pétition signée par plus d'un millier d'économistes de tous bords, l'administration du Président républicain Richard Nixon a bel et bien songé à mettre en place un système impôt négatif dans le cadre de sonFamily Assistance Plan . Ce projet s'est heurté à de nombreuses réticences et réserves dont le premier concernait le risque de la désexcitation au travail qui nous préoccupe ici. En 1968, pour tenter de mettre fin à la controverse soulevé par ce projet d'impôt négatif de la Maison Blanche, le Congrès américain décida finalement de financer une vaste étude visant à évaluer les impacts économiques et sociaux d'un tel dispositif.
L'impôt négatif fit donc l'objet de l'un des tous premiers programme d'expérimentation à grande échelle en Sciences sociales.
Plus de 1 400 foyers, soigneusement sélectionnés, répartis dans les six plus grandes villes du New Jersey et de Pennsylvanie, bénéficièrent pendant 4 ans d'un système d'impôt négatif . Les cibles étaient des familles urbaines comptent deux adultes âgés de 18 à 58 ans et disposant d'un revenu inférieur à 150% du seuil de pauvreté (soit à l'époque moins de 47700 dollars par an pour une famille de 4). L'étude fiancée par le Congrès ne s'arrêta pas là. Pour compléter les résultats de la première expérimentation, de nouveaux programmes furent également mis en œuvre. Ainsi le programme R.I.M.E (Rural Incombe-Maintenance Expriment) lancé en 1970 portait sur des zones rurales et visait à évaluer l'impact d'un impôt négatif sur l'offre de travail des familles rurales blanches de l'Iowa et noires de Caroline du Nord. La même année, près de 5 000 familles de Denver et Seattle participaient à un autre programme. Il s'agissait cette fois de foyers disposant de revenus plus élevés, allant jusqu'à 13 000 dollars par an soit 340% du seuil de pauvreté de l'époque. Ce programme se caractérisait en outre par un impôt négatif particulièrement généreux, d'un niveau plus élevé que dans les autres programmes : de 3 800 à 5 800 dollars par an suivant les groupes. A Gary, dans l'Indiana, l'expérimentation visait encore des cibles différents : 1 800 familles afro-américaines, monoparentales pour la plupart et disposant d'un revenu inférieur à 240% du seuil de pauvreté. Enfin à la fin des années 1970, le gouvernement canadien a lui aussi lancé un programme d'expérimentation à Winnipeg, dans la province du Manitoba, intitulé MINCOME (Manitoba Income Expriment), ce programme impliquait 1 300 familles sélectionnées suivant les mêmes critères qu'à Denvers et Seattle.
Les conclusions de toutes ces expériences se sont révélées plutôt rassurantes. Dans l'ensemble, l'impact observé de l'impôt négatif sur l'offre de travail fut plutôt faible. D forts écarts ont bien sûr été constatés suivant la situation des participants. Le sexe sable avoir joué un rôle. Ainsi, sur l'ensemble des expérimentations, le temps de travail des Hommes a baissé en moyenne de 1 à 9% tandis que celui des femmes ce fut de 3 à 27%. Les baisses les plus fortes ont été constatées dans le cadre du projet RIME (zones rurales) avec une baisse de 8% pour les Hommes et de 27% pour les femmes. Enfin le montant de l'impôt négatif a lui aussi joué. Dans le New Jersy où le montant allait de 50 à 125% du seuil de pauvreté la réduction du temps de travail va de 1,4 ) 6,6% en moyenne alors qu'à Denver et Seattle où l'impôt négatif allait jusqu'à 150% du seuil de pauvreté la baisse est de 9% chez les hommes et 20% chez les femmes .
Au final, la baisse a été bien moins forte que prévue.
L'économiste Michael C.Keely concluait à une baisse moyenne de 7,9% du nombre d'heures travaillées. De plus l'économiste Robert Hall de l'université de Stanford et spécialiste des questions d'emploi soulignait dans un ouvrage en 1975 que cette diminution du temps de travail s'est surtout traduite par l'abandon du second emploi dont certains participants avaient eu besoin pour boucler les fins de mois ou pour la réduction du temps de travail d'un des actifs: surtout les femmes et les jeunes adultes encore étudiants que comptait le foyer.
Curieusement, ces résultats assez positifs ont reçu un accueil mitigé au sein de la classe politique .
Selon Karl Widerquist, membre de l'association USBIG qui milite pour l'instauration d'un "Revenu Minimum Garanti " (Basic Income Guarantee) aux Etats Unis, les divergences d'interprétations qui ont suivi la publication des conclusions des différents expérimentations sont surtout dues à des erreurs de communication. La plupart des Députés amenés à s'exprimer pour ou contre l'implantation ont vu dans cette baisse du volume de travail la preuve de l'inefficacité et du risque présenté par ce projet. IL eût fallu qu'ils s'intéressent de plus près au projet dans le détail de son vécu.
Il nous faut aussi relativiser les enseignements tirés des expérimentations réalisées aux Etats-Unis et au Canada.
Il faut cependant souligner les quelques biais méthodologiques qui nous incitent à relativiser les enseignements des expérimentations ci-dessus évoquées.
Le premier biais tient à la durée des différents programmes.
L'étude dans le New Jersey ne dura que 4 ans (1968-1972) Celle de Gary (1970-1972) comme celle de l'Iowa (1970-1972) et celle de Caroline du Nord ( (entre 1971 et 1974) tout comme le programme ça,andine du Manitoba (1975 à 1978) : 3 ans.
Dans ces conditions, il était peu probable que les bénéficiaires changent radicalement de situation professionnelle ou arrêtent de travailler pour se retrouver, quelques mois plus tard, sans travail et dans impôt négatif.
On peut donc estimer que l'impact sur l'emploi d'un Revenu Inconditionnel versé à vie soit plus marqué que celui observé au cours de ces expérimentations.
Ce qui est assuré c'est quand même que la portée des expérimentations américaines st strictement circonscrite et les possibilités d'extrapolation absolue sont certes limitéees. Admettons un instant que l'instauration d'un Revenu Inconditionnel entraine une forte désincitation au travail, celle-ci poserait-elle réellement problème ?
D'aucuns s'alarmeront du recul de l'activité économique qu'une baisse du volume de travail risque d'entraîner.
Cela poserait-il réellement problème?
On peut aussi s'inquiéter des capacités de la société à répondre ses besoins dans un contexte de baisse d'activité.
Inquiétude légitime ! Mais est-elle justifiée ?
Il y a tout lieu d'en douter.
Quand bien même l'instauration d'un "Revenu Inconditionnel" entraînerait une diminution du temps de travail, celle-ci ne s'accompagnerait pas nécessairement d'une baisse équivalente de la production. Souvenons-nous par exemple que le passage aux "35 heures" a entraîné une nette augmentation de la productivité des Français : entre 1997 et 2000, les entreprises passées aux "35 heures" ont connu une hausse de 6,7% de leur production horaire pour une baisse de temps de travail d'environ 10%. L'hypothétique diminution du volume de travailn'aurait donc pas nécessairement un impact catastrophique sur l'activité économique. Il est à se rappeler que les gains de productivité ont été en fait l'une des raisons du faible impact des "35 heures" sur l'emploi.
Il est un deuxièmeargument susceptible d'apaiser les craintes de baisse d'activité.
Finalement si l'instauration d'un "Revenu Inconditionnel" entraînait une réduction du temps de travail des actifs employés cela se traduirait aussi et surtout par une création d'emplois. En effet, si d'aventure certains travailleurs, heureux bénéficiaires d'un "Revenu Inconditionnel", optaient effectivement pour une réduction de leur temps e travail ou décidaient simplement d'arrêter de travailler afin de s'épanouir hors du boulot, on pourrait s'attendre à ce que cette désertion du marché du travail par des chômeurs heureux et volontaire permette de résorber le chômage involontaire qui mine la société depuis plus de trente ans.
Qui s'en plaindrait ?
Le doit au travail serait respecté, les individus souhaitant travailler pourrait le faire plus facilement puisque d'autre déserteraient l'emploi en toute légitimité grâce au droit au Revenu. Comme disait le philosophe COLUCHE "du boulot y'en a pas beaucoup, il faut le laisser à ceux qui aiment ça" dans "Sois fainéant (ou conseil à un nourrisson)" en 1977.

EN COURS DE REDACTION

Commentaires

1. Le 19/06/2016, 11h16 par Maxime

Admettons qu'une baisse du niveau d'activité économique se produise.
Pourquoi cela poserait-il problème ?
L'augmentation d cela production ne s'accompagne pas toujours d'une augmentation du bien être des sociétés.
De 1945 à 1970, malgré une croissance économique continue, le bien être des sociétés le plus riches n'a pas augmenté. En effet, passé un certain seuil de revenu, toue augmentation du niveau de vie ne se traduit plus par une augmentation du bien être. Une société opulente n'est pas nécessairement plus heureuse qu'une société disposant d'un niveau de vie plus modeste.
En Europe, l'indice de bien être des Italiens (6,3/10) est comparable à celui des Slovènes ou des Hongrois qui disposent pourtant d'un PIB par tête deux fois moins élevé .
Encore plus étonnant !
Les Italiens (6,3/10) se déclarent ainsi moins heureux que les Polonais (6,7/10) dont le pIB est trois fois moins élevé !
Avec 20 000 € de PIB par tête, les Chypriotes sont nettement plus heureux (7,9/10) que les Français (7,1/10) dont le PIB par tête est d'environ 30 000€ (European Social Survey 2007).
Et en fait, ne produisons-nous pas trop aujourd'hui. Tellement trop qu'une basse d'activité serait la bienvenue finalement.

2. Le 19/06/2016, 12h06 par Jean-Pierre LEROY

Oui, d'un simple point de vue écologique nous produisons et consommons aujourd'hui beaucoup trop et de plus pendant que nombre de personnes sont en situation d'extrême pauvreté.
Ne vivons nous pas au-dessus de nos moyens écologiques dans le sens où nous dépassons par exemple les capacités de renouvellement des énergies fossiles dont nous avons consumé les réserves en à peine deux siècles.. Dépassement aussi des capacités d'absorption par la biosphère de nos émissions de gaz à effet de serre.
En totalité ne vivons-nous pas bien au-dessus de nos besoins.
Il ne s'agit pas d'un jugement moral .
Il n'est pas question non plus de définir autoritairement ce dont les individus ont réellement besoin et ce qui relève du superflu. Cet arbitrage revient à chacun(e) de nous et doit se limiter à notre seule consommation personnelle.
Il est cependant à parier que si nous avions la possibilité d'arbitrer librement entre entre travail et temps libre, entre consommation et temps libre, peut-être consommerions-nous moins...

3. Le 19/06/2016, 12h29 par Caroline

Dans son Ethique protestante, le sociologue allemand Max Weber, en 1905, notait "un homme ne souhaite pas "par nature" gagner toujours plus d'argent : il veut simplement vivre comme il a l'habitude de vivre et gagner autant qu'il lui est nécessaire pour cela" (L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme)
En fait, il s'appuie sur le comportement des ouvriers des premières entreprises capitaliste du début du XIXème siècle. Après avoir gagné en quelques heures le revenu qu'il leur semblait suffisant, ces ouvriers s'empressaient d'abandonner leur poste de travail, laissant leurs employeurs dans le désarroi le plus complet. Ceux-ci s'avisaient d elles payer plus pour les inciter à travailler davantage mais voilà qu'ils travaillaient moins encore, se contentant de maintenir leur modeste niveau de vie.
Il existe donc une logique concurrente au "travailler plus pour gagner plus" !
Selon Weber, l'assiduité aléatoire de ces ouvriers traduit un mode de raisonnement étranger à la rationalité capitaliste.
Qu'est devenue cette logique traditionnelle aujourd'hui ?
Une enquête d'opinion de 2007 par "International Survey" indique que plus d'un français sur deux souhaiterait consacrer moins de temps à son travail et ils sont moins de 1/10 à vouloir travailler plus pour gagner plus.
Finalement si une part non négligeable de travailleurs aspire à travailler moins quitte à consommer moins, une baisse de l'activité économique ne se traduirait pas par une baisse mais par une hausse globale du bien être de la société.

4. Le 19/06/2016, 16h30 par Stan

Les adversaires du "Revenu Inconditionnel" objecteront que la hausse de bien-être dépendrait étroitement des secteurs économiques touchés par la baisse d'activité. Par exemple si, du fait de la baisse d'activité engendrée par l'instauration d'un "Revenu Inconditionnel", la société se retrouverait dans l'incapacité d'assurer le fonctionnement des services publics, il est peu probable que cela se traduirait par une hausse du bien-être.
Plus que la baisse d'activité en tant que telle, c'est surtout la désertion des emplois les plus pénibles, les moins gratifiants ou les moins biens payés - trois caractéristiques qui recouvrent souvent les mêmes tâches- qui risque alors de poser problème.
Si un revenu inconditionnel suffisant est versé à chaque citoyen, qui acceptera encore de ramasser les ordures ou de faire le ménage pour les entreprises et les particuliers par exemple?

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