Choix du collège (4)

Il faut inventer de nouvelles politiques !!!

La loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la recondition de l'Ecole avait notamment pour objet de favoriser "la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements d'enseignement."

Afin de permettre davantage de mixité sociale, "un même secteur de recrutement peut--être partagé par plusieurs collèges publics situés à l'intérieur d'un même périmètre de transports urbains".

Dans le cadre de ces secteurs multi-collèges, les familles seraient invitées à classer par ordre de préférence les établissements du secteur dont ils font partie. Si les capacités d'accueil d'un établissement ne permettent pas de donner satisfaction aux premiers choix formulés par les familles, "l'affectation des élèves répondra à des critères déterminés par les acteurs concernés" c'est à dire les représentant du département, du rectorat, des parents et des chefs d'établissement.

Cette nouvelle politique pose deux problèmes.

D'une part, à la rentrée 2016, à peine plus de 5 expérimentations sont menées. Elles concerneront moins de 30 collèges particulièrement ségrégués sur 5 300 collèges publics. Cette lenteur de la mise en œuvre laisse penser que la mixité sociale n'a pas constitué la priorité qu'elle aurait dû être et/ou qu'elle est politiquement explosive.
D'autre part, cette expérimentation n'implique pas de façon réglementaire et obligatoire les collèges privés qui représentent pourtant 20% des établissements dans les zones choisies. Les parents non-satisfaits du collège public d'affectation de leur enfant pourront donc ainsi inscrire leurs enfants dans les collèges privés proches. On ne peut mieux faire pour aider au recrutement des établissements privés ! (sic)

Ce mécanisme de fuite des élèves vers les établissements privés a déjà été observé au niveau du lycée dans le cadre de la procédure Affelnet (affectation des élèves par internet) .

Le projet de mixité sociale prévu par la loi de refondation de 2013 est donc difficile à mettre en œuvre tant les collèges publics et privés ne sont pas soumis aux mêmes règles, en l'occurence contraints à une exigence de mixité sociale.

Actuellement, bien que les établissements privés bénéficient d'une mission de service public, ils disposent paradoxalement de la possibilité de choisir leurs élèves.

Cette particularité des établissements privés français oblige de penser autrement la question du libre choix et de l'affectation réglementée !

Le libre choix des parents s'exerce en fonction des différences existant entre les établissements scolaires.
Pour réduire cette ségrégation, introduire des options attractives dans les établissements moins demandés, les réduire dans ceux qui sont le plus recherchés, collèges privés compris, constituent une politique éducative adaptée.
Bien que les options disponibles ne soient pas le seul déterminant des demandes des familles, l'inégalité de l'offre linguistique favorise les demandes de dérogation des familles aisées et moyennes. Les options linguistiques rares (chinois, russe...), ou autres (musique...) présentent dans les collèges à recrutement aisé, sont jugées "intéressantes" lorsque les parents souhaitent que leur enfant échappe au collège de leur secteur.

La différenciation pédagogique des établissements est au fondement de la différenciation du recrutement social et devient une source majeure de ségrégation sociale.

La recherche de mixité sociale, d'équité et d'efficacité passe donc inévitablement par une réduction de la différenciation pédagogique des collèges.

A ce titre, la réforme du collège mise en œuvre à la rentrée scolaire 2016 est judicieuse : elle devrait favoriser la mixité sociale, bien que cette réforme permette trop de dérogations, notamment avec le maintien des classes bilingues, au nom de la continuité avec les options présentes à l'école élémentaire.

Curiosité à signaler : le ministère ne publie aucun indicateur de mixité sociale des collèges, publication indispensable pourtant pour évaluer les politiques mises en place.

Un autre levier de mixité sociale tient aux modalités de financement des établissements.

Actuellement la dotation financière de ceux-ci est essentiellement fondée sur le nombre d'élèves scolarisés.

Un tel système est pervers.

Il favorise la sélection des meilleurs élèves spécifiquement dans le secteur privé. Le modèle économique du secteur privé l'incite en effet à limiter la scolarisation des enfants d'immigrés et d'origine populaire qui nécessitent plus d'encadrement pour réussir et ayant de moins bons résultats ils nuisent à la réputation de l'établissement au fondement de son attractivité scolaire et sociale.
C'est ainsi que près de 20% des collèges privés, ont, en dépit de leur mission de service public, recours à la discrimination ethnique dans leur politique de recrutement (étude de Loïc Du Parquet, Thomas Brodaty et Pascale Petit chez TEPP 2013 "La discrimination à l'entrée des établissements scolaires privés " (en ligne).

Pour réduire l'effet d'une dotation-élève indifférente aux spécificités scolaires et sociales des élèves accueillis, il serait nécessaire de prendre en compte financièrement celles-ci. Une telle politique a été& mise en œuvre aux Pays-Bas. La scolarisation d'un élève d'origine populaire et/ou aux résultats faibles font l'objet d'une dotation supérieure. La différenciation des dotations financière est une façon de "donner plus à ceux qui ont moins" principe souvent répété en france mais insuffisamment mis en œuvre !

Il est même à se demander si de fait on ne donne pas plus à ceux qui ont plus !

L'ouverture sociale aux catégories défavorisées ne devrait plus être considérée comme une charge mais comme un engagement éthique et citoyen de l'établissement faisant l'objet d'une reconnaissance financière par le ministère !!!

Commentaires

1. Le 27/04/2017, 20h23 par ludovic.J

J'ai parcouru votre blog, et connaissant votre parcours au sein de l'éducation nationale, je ne doute pas que vous avez une opinion sur le harcèlement scolaire qui va croissant. En ayant été victime moi-même pendant mon parcours au collège et désormais père de famille, je me surprend à me méfier du système scolaire en général, si il n'as pas su me protéger moi il y a 20 ans, qu'est ce qui a changé depuis et qui pourrait redonner confiance au parent que je suis aujourd'hui. Votre point de vue sur le sujet serait très intéressant à lire.
Amicalement, Ludovic.

2. Le 30/04/2017, 17h49 par Jean-Pierre LEROY

Question d'importance.
Pour avoir eu à lutter contre cette déviance du comportement pendant 14 ans de direction en milieu scolaire dit difficile mais plus qu'attachant ( zones d'éducation prioritaire) je crois pouvoir avancé qu'il est indispensable sans dramatiser de mettre en place une vigilance de tous les instants en observant attentivement les situations, les comportement (en surveillant : veillant autour) et en ne tolèrent aucune déviance.
D'autre part, il faut aussi - sans tomber dans l'excès - enseigner aux élèves de ne pas hésiter à se confier dès qu'une situation leur devient insupportable. De plus, tout parent doit sans tarder s'entretenir avec la direction de l'établissement quand il constate un changement dans le comportement de son enfant : un mal aise.
Facile à dire ?
Oui, peut-être mais après 19 ans de retrait je reste persuadé que cette vigilance sereine, saine est indispensable.
Bien à vous et tous mes vœux vous accompagnent . Confiance en l'avenir.

3. Le 01/05/2017, 17h54 par Caroline

La ségrégation sociale des établissement ne relève pas que de la politique éducative. En effet, une part importante de cette ségrégation résulte de la politique urbaine.
Le développement du logement social dans les communes aisées et dans les centres ville est pour cette raison un levier puissant de mixité des établissements scolaires et une source d'équité et d'efficacité du système scolaire.
Prévu par la loi, l'objectif de mixité de l'habitat suscite des résistances fortes dans les communes riches.
Ainsi la part de l'habitat en HLM par commune varie d e plus de 65% à moins de 5% (3,6% à Neuilly sur Seine.
Aussi faudrait-il peut-être substituer des zones de mixité prioritaire aux actuelles zone d'éducation prioritaire pour opérer une rupture dans les politiques éducative et urbaine !

4. Le 02/05/2017, 16h25 par Marc

En fait, en raison de l'existence d'un secteur privé important qui dispose de la possibilité de choisir ses élèves et du désir légitime des parents de choisir l'établissement de leurs enfants, il semble judicieux, non de contraindre les parents de scolariser leurs enfants dans les établissements non désirés, mais d'accroître sensiblement l'attractivité de ces derniers etc d'y apporter des conditions d'enseignement sortant de l'ordinaire...
Par exemple la réduction du nombre d'élèves par classe particulièrement efficace dans les ZEP qui scolarisent les élèves en difficulté scolaire devrait être une politique prioritaire.
Cette politique st possible sans surcoûts en augmentant les nombre d'élèves par classe scolarisés dans les établissements où les conditions de réussite sont meilleurs.
Une réelle compensation doit être mise en œuvre pour les établissements scolarisant des enfants en difficulté nombreux.
Il faut réduire les désavantages propres aux catégories populaires !!!!!!!!

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