" ANTISOCIAL " ! Est-ce le trait caractéristique dominant de la politique présidentielle - donc du gouvernement - soit du " MACRONISME " ? (1)

Examinons donc - certes à grands traits dans un premier temps - un certain nombre de domaines séparément pour l'instant sans occulter le fait qu'il est nombre d'interactions.
Commençons par l' EDUCATION

En avant propos tentons de discerner sur quel socle sociologique de soutien s'appuie et se trouve soutenue la dynamique politique de l'aventure macronienne.

Les classes moyennes ont apporté à E. Macron la très large majorité de leurs voix et se sont (sur)mobilisées par rapport au reste de l'électorat.
Le profil socio-démographique du vote et de l'abstention au 1er tour des présidentielles de 2017 fait apparaître que E. Macron et F. Fillon - portant tous deux un projet Antisocial - ont à eux deux obtenu le voter de 53% des cadres contre 21% du vote ouvrier. Ils ont totalisé 57% du vote des foyers gagnant plus de 3 000 € par mois contre 26% du vote des foyers à moins de 1 250 €. En même temps, l'abstention a touché seulement 16% des foyers de plus de 3 000€ contre 30% des foyers de monisme 1 250€.

Mais pourquoi donc les classes moyennes supérieures soutiennent-elles si fort un projet politique qui s'attaque méthodiquement à des droits, à des protections, à des services publics qui leurs bénéficient comme au reste de la population ?

C'est une évidence, la société actuelle, dans sa composition, sa structure, ses habitudes, ses penchants est le produit de toute une éducation.

Déjà, au début des années 70, Pierre BOURDIEU et Jean-Claude PASSERON (1) démontraient les mécanismes profonds de reproduction éducative et culturelle des inégalités de départ.

Plus récemment Emmanuel Todd - historien et anthropologue - fait état de " la stratification éducative ". Ainsi, il précise que la hausse contemporaine spectaculaire du niveau éducatif s'est accompagnée d'un cloisonnement de la population en quatre blocs à peu près étanches :

les sans-diplômes,
ceux qui atteignent le niveau du baccalauréat,
les " bac+ 2",
et ceux qui atteignent ou dépassent "bac + 3.
Ce cloisonnement s'accompagne d'une tendance lourd dynastique :les " sans diplômes " sont le plus souvent des enfants de " sans diplômes ", les " bac +3 " être des enfants de " Bac +3 " et ainsi de suite. Cela ne peut que tenir tient à la dynamique inégalitaire de notre système éducatif, ainsi qu'aux mécanismes profonds de reproduction éducative et culturelle des inégalités de départ évoquées plus haut en citant les travaux de Pierre BOURDIEU et Jean-Claude PASSERON .

Au fil des décennies, cette situation a créé un subconscient inégalitaire chez la population éduquée supérieure dont les effectifs correspondent à peu de chose près à ceux de des classes moyennes supérieures. En fait s'est installé un déni de ce que leur réussite scolaire doit à l'héritage, aux inégalités de départ, et/ou au fonctionnement à deux vitesses du système éducatif. Tout au contraire, la population éduquée supérieure - majoritairement - s'est installée dans la croyance selon laquelle les inégalités dont elle bénéficie sont avant tout le produite de leur mérite.

Elles s'identifient donc aux gagnants du système en place et adhèrent au message pro-inégalités de ce courant ANTISOCIAL :

En fait, ils nous disent : " nos réformes sont nécessaires " - " il n'y a pas d'alternatives " - " ils - les catégories populaires - ne comprennent pas " .

Quand on y regarde de près, la gradation électorale générée par la stratification éducativeest flagrante :

Emmanuel Macron et François Fillon ont obtenu 38-39 % du vote des électeurs sans baccalauréat ou s'y étant arrêtés, 48 % du vote des " Bac +2 " et 54 % du vote des "Bac +3 et plus" . (2) et (3).

Les classes moyennes supérieures en arrivent ainsi à soutenir des politiques antisociales qui profitent aux oligarques -les partisans de l'oligarchie qui est - par définition - un régime politique dans lequel la souveraineté appartient à un petit groupe de personnes, à une classe restreinte et privilégiée. Politiques antisociales qui - à moyens terme - nuiront aussi à leurs intérêts.

Quand comprendront-ils (elles) que comme ils (elles) ne font pas partie des 10% les plus riches de la population l'ANTISOCIAL s'attaquera tôt ou tard à elles et eux !


Il nous faut essayer de cerner un peu plus un des outils de la reproduction incessante des inégalités sociales que peut être la ségrégation scolaire.

Cette ségrégation n'a-t-elle pas trois principaux instruments ?

Le premier : la ségrégation sociale extrême du territoire français.
Le deuxième :l'existence d'un secteur privé éducatif qui aggrave encore l'entre-soi des enfants des classes moyennes supérieures. A ce point, je ne puis m'empêcher - une nouvelle fois - que le manque de courage politique de François Mitterrand nous place dans cette situation alors qu'Alain Savary alors ministre de l'éducation nationale (1 983) avait - par la négociation - mis en place un système unique d'éducation recueillant même l'accord des responsables de l'enseignement catholique. Alain Savary pilote aussi de la Rénovation des collèges comme de la mise en place de l'Education prioritaire en organisant une mobilisation de type militante des professionnels de tous niveaux - démissionna le 13 juillet 1 983. 1er virage à droite du septennat .
Le troisième :c'est un choix politique de clochardisation de l'université renforçant ainsi mécaniquement la domination éducative des "grandes écoles " alors que ces dernières, par définition, avantagent les enfants des classes moyennes supérieures puisqu'elles sont généralement coûteuses d'accès.

Au risque de choquer, il me vient à l'esprit que c'est pour justifier ce grand séparatisme éducatif ayant pour but d'octroyer un privilège (de fait héréditaire) aux catégories déjà favorisées qu'a été mise en place dans le débat public une rhétorique permanente de dénigrement de l'éducation Nationale.Cela permettant, aux yeux de la société et à leurs propres yeux (sorte de bonne conscience pour les promoteurs de la ségrégation) de prétendre n'agir qu'en légitime défense face à une Education Nationale en pleine décadence.
Le thème privilégié de cette diabolisation de l'Education nationale n'est-il pas la baisse du niveau des élèves. Preuve absolue de la déliquescence du service public éducatif, façon comme une autre de préparer les esprits à l'idée d'un démantèlement de plus...

Cette thèse de la baisse du niveau n'est-elle pas pourtant fausse ?

L'affirmation très courante selon laquelle la génération de nos grands parents était meilleure à l'école que les jeunes d'aujourd'hui ne tient pas.
Regardons de près le taux d'illettrisme par catégorie d'âge.(4) A cet égard il est édifiant. Il est aujourd'hui beaucoup plus faible chez nos jeunes que chez leurs aînés :
4 % chez les 18-25 ans,
8 % (le double) chez les 46-55 ans,
12 % (le triple) chez les 56-64 ans .

Il faut aussi souligner l'extension considérable du périmètre des programmes scolaires au fil des générations.

Un(e) collégien(ne) et un(e) lycéen(ne) d'aujourd'hui en apprennent beaucoup plus sur la physique, la biologie, la géologie, la science économique que ne le faisaient leurs grands-parents.

De plus, les examens étaient plus sélectifs notamment le Brevet des collèges et le Baccalauréat. Ainsi, pendant que les premiers d cela classe réussissaient à atteindre les études supérieures, de grandes cohortes de recalé(e)s s'accumulaient vers un arrêt de la scolarité beaucoup plus tôt que de de nos jours. A force d'hyper-sélection, la population des plus de 50 ans prise dans son ensemble a atteint un niveau d'éducation plus bas que celui des jeunes d'aujourd'hui.
En fait, si cette attitude de dénigrement a toujours existé (médiocrité éducative des jeunes par rapport au niveau bien supérieur de leurs aînés-(e)s) ce qui est nouveau c'est quand même que cet état d'esprit se perpétue au service d'un projet ANTISOCIAL !!!

En fait, depuis plus d'un siècle on entend dore que le niveau baisse alors que de toute évidence , l'alphabétisation , les savoirs et les compétences diverses de la poipulation ont connu dans cet intervalle des progrès gigantesques! (5).

Autre argument majeur de dénigrement de l'Education nationale, l'enquête PISA de l'OCDE qui évalue les compétences en mathématiques, en lecture et en science des élèves de 15-16 ans dans un panel de pays riches.

La 26ème place de la France dans le classement 2016 est régulièrement évoquée pour prouver notre décadence scolaire !

Or, si l'on examine en détail le classement, les résultats sont en fait extrêmement serrés : la France est 26ème ex æquo avec l''Autriche -495 points; l'Allemagne avec à peine plus, 509 points est 15ème ex æquo avec les Pays-Bas. Plus largement, hormis la Finlande et l'Estonie, les vingt pays d'Europe les mieux classés sont tous dans la même bande étroite d'environ 490-510 points.

Il est donc erroné d'accuser notre pays de déchéance éducative sur la base d'une enquête dans laquelle on observe qu'il s'agit en fait d'un gros peloton de pays européens qui, France incluse, sont tous à peu près au même niveau.

Excusez moi d'en rajouter mais, de surcroit, il existe de lourdes imperfections dans la méthode PISA et celles-ci conduisent à mettre en doute le classement sans dire pour autant que les résultats du système éducatif ne sont pas à améliorer. Par exemple, Singapour obtient la première place mais sa scolarité obligatoire s'arrête avant 15 ans ! Tout un pan des élèves sort de son système éducatif avant que l'OCDE mesure sa performance ! Les résultats sont de ce fait tirés vers le haut !!
Autre cas . La performance de la Chine n'est mesurée que pour Macao d'une part et pour le quatuor de villes "Pékin, Shangaï, Jiangsu, Guangdong d'autre part : cela permet à ces deux sélections d'être artificiellement bien classées, respectivement 6ème et dixième alors que, si le système éducatif chinois dans son ensemble était évalué il y a fort à parier que son rang dégringolerait fortement.

Autrement dit, le classement PISA ne done pas d'éléments probants pour prétendre que notre système éducatif serait sous-performant ! (6)

Une autre affirmation récurrente pour discréditer l'Education Nationale consiste à accuser ses enseignants de travailler peu; d'être en quelque sorte " des fainéants " .

Bien sûr que c'est faux !

Les enseignant(e)s de l'école primaire sont largement au-dessu de la moyenne européenne (21 pays membres de l'OCDE) : 924 heures de cours contre 756 !
Les enseignant(e)s du collège sont dans la moyenne : 648 heures contre 656.
Les enseignant(e)s du Lycée sont légèrement au-dessus : 648 heures contre 625.
En outre, si l'on raisonne sur le temps de travail exigé, c'est-à-dire y compris en dehors des cours, ces mêmes enseignant(e)s françai(se)s sont tous et toutes légèrement au-dessus de la moyenne européenne : il leur est demandé de travailler au moins 1 607 heures par an alors que celle-ci tourne autour de 1 570. Si l'on prend l'exemple des professeurs des lycées et collèges publics et que l'on comptabilise la totalité de leur temps de travail effectif, ils dépassent tous et toutes très largement la semaine de 35 heure : ils (elles) sont en moyenne à plus de 41 heures, le gros des troupes frôlant même les 43 heures.

Soutenir que nos enseignant(e)s ne travaillant pas assez est sans fondement .(7) et (8)

Un problème concernant les enseignant(e)s, bien réel celui-là, est beaucoup plus rarement évoqué par le débat public : le fait qu'ils(elles) soient sous-payé(e)s.

Du primaire au lycée, leur rémunération est quasi systématiquement en dessous de la moyenne européenne.
L'écart peut être léger en début de carrière . L'OCDE, qui compte en dollars, signale qu'un professeur gagne 30 343 dollars par an alors que cette moyenne européenne est à 31 553.
Il est de plus en plus fort avec le temps : au bout de 15 ans de carrière, un professeur de lycée gagne 36 897 dollars contre 44 507 pour ses homologues d'Europe. (20,62% de plus)
C'est écart devient un gouffre si l'on compare la paie de nos enseignant(e)s avec celle de leurs collègues allemand(e)s qui touchent environ le double.
De plus, duran tla décennie 2000 et jusqu'en 2013, alors que l'OCDE observe l'augmentation des salaires des enseignant(e)s dans la plupart des pays d'Europe, la France fait partie des rares pays européens où, au contraire, ils ont baissé de 8-10%. (9)

A suivre dans le billet suivant.
















1-dans la Reproduction. Eléments d'une théorie du système d'enseignement Ed Minuit 1970
voir aussi Pierre BOURDIEU, la Distinction. Critique sociale du jugement Ed Minuit 1979 et Pierre BOURDIEU, Questions de sociologie Ed Minuit 1980 comme Pierre BOURDIEU, La Noblesse d'Etzaty : grandes écoles et esprit de corps Ed Minuit 1989
2- dans " Où en sommes-nous" Emmanuel Todd Seuil 2017, p 281-308
3- Ipsos - Steria, 1er tour des présidentielles 2017.
4- Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, L'évolution de l'illettrisme en France , Janvier 2013 p.2
5- dans " Prof : les joies du métier ", Robert Laffont, 2017, p. 89-90
6- dans "OCDE, PISA 2015-2016, p.5.
7- OCDE " Regards sur l'éducation 2015 : les indicateurs de l'OCDE, 2015, p. 497.
8-Direction de l'évaluation, d cela prospective et de la performance du ministère de l'Education nationale, "Les enseignants du second degré public déclarent travailler plus de 40 heures par semaine en moyennez, note d'information n°13. 13 juillet 2013.
9-OCDE , Regards sur l'éducation 2015 p.461 ...468

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