" ANTISOCIAL " ! Est-ce le trait caractéristique dominant de la politique présidentielle - donc du gouvernement - soit du " MACRONISME " ? (4)

Voyons de plus près quelques aspects des conditions de la "Reproduction" de la société dans le rôle qu'y joue le système éducatif .

L'Antisocial s'y oppose-t-il ?

En moyenne, les élèves et étudiant(e)s issus des milieux défavorisés ont plus de handicap d'ordre environnemental pour réussir scolairement.

Il faut souligner que sous l'impact perturbant voire disloquant de conditions de vie difficiles et des tensions relationnelles qui en résultent, les ''environnements familiaux dysfonctionnels'' sont plus présents en milieu pauvre que dans l'ensemble de la population.
Autre exemple parmi tant d'autres.
Il est courant d'entendre critiquer les nuisances sonores dans les barres de HLM. Elles seraient dues à une population trop bruyante. En fait, le lourd défaut d'isolation sonore de ces bâtiments conduit à un cadre de vie plus bruyant que la moyenne : le bruit appelle le bruit, dans une spirale infernale. Il s'ensuit qu'il est plus difficile pour un élève pauvre de banlieue de réviser, de faire ses devoirs au calme, à fortiori lorsque, comme c'est souvent le cas, il n'a pas sa propre chambre où s'isoler.

En fait, plus on concentre des élèves de milieux défavorisés dans la même classe ou le même établissement et plus on y accumule les élèves en difficulté, plus l'atteinte du niveau éducatif visé y devient difficile.

La mixité sociale dans les classes et les établissements, pour mélanger les élèves et les étudiants de tous milieux socio-économiques, est donc absolument indispensable afin de tirer tout le monde vers le haut.

Cependant! Problème !!

On constate sociologiquement que les membres des classes moyennes supérieures, dans leur grande majorité, ont tiré une conclusion égoïstement inverse. Au lieu de mélanger tous les niveaux sociaux pour que le niveau éducatif général monte, elles entendent s'assurer à n'importe quel prix que que leurs enfants restent entre eux.
Soulignons qu'une partie de l'argent des impôts que nous payons tous - milieux défavorisés inclus qui sans payer d'impôt sur le revenu paie notamment la TVA entre autres - sert à subventionner ce "séparatisme éducatif " des classes moyennes supérieures. Que ces dernières veuillent sortir leur progéniture du système éducatif est une chose. Chacun(e) a le droit de prendre sa voiture plutôt que d'utiliser le transport en commun public, mais c'est à ses frais. Par contre le fait que notre argent - celui de tous et toutes- finance, via l'impôt, le choix fait par certain(e)s de placer leurs enfants dans le privé est objectivement indéfendable. quitte à en avoir le droit, il devrait le faire avec leur argent.
Rappelons aussi que les collèges et lycées de l'enseignement privé sous contrat sont financés à hauteur des deux tiers de leur budget par l'argent public. Pour les établissement privés de l'enseignement supérieur : 20 % de leur budget provient de l'argent public. (1)

La ségrégation scolaire prend effectivement des proportions ahurissantes .

Au collège et au lycée, en moyenne; un élève issu d'un milieu favorisé a presque deux fois plus de camarades de classe de milieu favorisé qu'il n'en a issus des classes moyennes ou populaires.
Pendant ce temps, un élève sur 10 est scolarisé dans un établissement dont les deux tiers des effectifs sont des enfants de milieux défavorisés.
En d'autres termes, un(e) colégien(ne)dont les parents sont riches est entouré(e) d'une écrasante majorité de collégien(ne)s dont les parents sont riches eux aussi, tandis que , globalement, la majorité des enfants situés en bas de la pyramide sociale s'entassent dans des "ghettos scolaires".

Sommet de la reproduction socio-économique des élites par le séparatisme éducatif, 5% des élèves de troisième sont dans un établissement dont 60% des effectifs proviennent de milieux très favorisés et dont, incidemment, 43% des élèves obtiennent de très bonnes notes au brevet. (2)
Cette ségrégation est certes en partie la simple conséquence des inégalités criantes de richesse entre populations des différents territoires du pays. (3)

Le système de la "carte scolaire" oblige les parents à inscrire leurs enfants, s'ils optent pour l'enseignement public, dans le collège ou le lycée le plus proche de leur lieu de résidence. Dès lors que le contraste socio-économique d'un territoire à un autre est important, cette pratique de la "carte scolaire" provoque l'instauration d'un "entre-soi social" : établissements publics à dominante d'élèves riches dans les territoires riches ; établissements public à dominante d'élèves pauvres dans les territoires pauvres.
On peut affirmer que cet effet induit est loin d'être le seul en cause.
En effet, lorsqu'en 2017 les pouvoirs publics ont facilité les dérogations à la carte scolaire, pour permettre -soit-disant- à d'avantage d'élèves pauvres d'accéder à des établissements publics en territoire plus prospère, les demandes de dérogation ont explosé à la hausse ; mais surtout en provenance des classes moyennes supérieures.__
A cela s'ajoute un "effet passoire" dû à l'existence de l'enseignement privé : plus coûteux, donc majoritairement réservé aux classes moyennes supérieures, ces dernières l'utilisent abondamment pour éviter de se voir appliquer la carte scolaire. Il y a donc encore là de leur part une stratégie répétée, par tous les moyens possibles, de séparatisme éducatif ;stratégie facilitée par les politiques éducatives en vigueur.
N'ayons pas peur de le souligner parce que cela ne date pas d'aujourd'hui : il s'agit dans chaque établissement de la question de la constitution des classes. Elle s'effectue établissement par établissement sous la responsabilité du chef d'établissement. Il est des chefs d'établissement qui participent à la banalisation et à l'acceptation de la ségrégation scolaire par la répartition des élèves niveau par niveau au sein des classes. Ainsi, il est prouvé qu'à l'intérieur d'une classe, en moyenne, un élève de milieu favorisé connaît une part de camarades issus de milieu favorisé 22% plus élevée que celle connue par un élève de milieu défavorisé.

Autrement dit, lorsqu'ils ne sont pas eux-mêmes des "ghettos scolaires", nos collèges et nos lycées ont une tendance lourde à regrouper tous les élèves en difficulté, parmi lesquels les élèves issus de milieux défavorisés sont surreprésentés, dans des "classes poubelles".

Dès lors que la ségrégation scolaire atteint une telle puissance, au collège puis au lycée, elle persiste inévitablement - effet domino - lorsqu'arrive l'échéance du baccalauréat.

Les chiffres sont sans appel !

Si 88% des enfants des cadres supérieurs obtiennent le baccalauréat quel que soit son type, c'est 41% pour les enfants des ouvriers non qualifiés.
Le baccalauréat S reste la voie royale d'accès aux études supérieures : il est obtenu par 41% des enfants de cadres supérieurs contre moins de 5% des enfants des ouvriers non qualifiés.
Le reste est à l'avenant . (4)

Etape ultérieure de l'effet domino, cette ségrégation frappe ensuite l'accès des bacheliers à l'enseignement supérieur. D'un côté, les jeunes issus d'un milieu ouvrier pèsent environs 1/3 de la population des 18-23 ans, mais ils ne représentent que 11% de la population étudiante; au contraire, les enfants de cadres supérieurs pèsent 17,5% des 18-23 ans mais représentent 30% des étudiants. En outre , plus on s'élève dans la scolarité universitaire moins les jeunes des milieux ouvriers sont représentés. (5) La ségrégation est tout aussi criante au niveau des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE)

Les C.P.G.E , structures d'élite d'entrainement scolaire conduisent leurs élèves aux études supérieures avec un taux de réussite dépassant 80%. Près d'un étudiant sur deux qui accède aux CPGE est issu d'un milieu favorisé. Un jeune issu d'un milieu favorisé a d'ailleurs vingt fois plus de chances de les intégrer qu'un autre issu d'un milieu populaire.

Pareil niveau de reproduction sociale des milieux favorisés interdit donc de prétendre - comme c'est dit couramment - que les classes préparatoires relèveraient de la " méritocratie républicaine"

Rajoutons à cela que l'Etat dépense chaque année 15 100 euros par étudiant en CPGE contre 10 390 euros par étudiant à l'université. On constate encore ici que les pouvoirs publics privilégient vraiment la réussite éducative des enfants des classes moyennes supérieures ! (6)- (7)

Même constat de ségrégation scolaire au niveau des grandes écoles elles-mêmes.

Il y a 50 fois plus d'enfants de cadres que d'enfants d'ouvriers à Polytechnique. C'est 20 fois plus dans les écoles normales supérieures, où les enfants de cadres pèsent la moitié des élèves alors qu'ils ne représentent qu'un quart de la population jeune. Un peu moins de la moitié des étudiants des écoles d'ingénieurs sont des enfants de cadres supérieurs. Moins de 5% des étudiants de l'ENA sont des enfants d'ouvriers et d'employés, tandis que près de 70% sont des enfants de cadres supérieurs, de professions libérales et d'enseignants.
Les mesures affichées par certaines grandes écoles pour accroître la mixité sociale dans leurs effectifs, notamment via les bourses étudiantes, ne changent pas la donne : par exemple à Sciences Po on compte 30% d'étudiants boursiers mais , en réalité, 11% d'étudiants d'origine populaire. Quant aux écoles de commerce, black-out total : elles ne communiquent pas les données qui permettraient d'évaluer leur degré de mixité. Quel aveu d'une pratique assurée de " l'entre-soi " !

La ségrégation scolaire n'est hélas appelée qu'à s'aggraver !

Le Ministère de l'Enseignement supérieur, en évoquant la saturation des universités - que les pouvoirs publics ont eux -mêmes provoquée n'a-t-il pas suggéré des octobre 2017 :
"Les facultés donneront un avis, favorable ou défavorable, après examen du dossier scolaire du candidat. Si le candidat maintient sa candidature malgré un "avis défavorable", la faculté lui imposera jusqu'à une année entière de cours de remise à niveau, en plus de l'horaire officiel de la secrtion "
Cette surcharge, par son effet dissuasif, introduira bien une sélection à l'entrée.
Par ailleurs, les "filières en grande tension " pourront directement "refuser des élèves, c'est à dire les sélectionner à l'entrée sur dossier.
Il y a fort à parier que, toujours en invoquant la saturation des universités, l'étape suivante soit d'accélérer l'augmentation des frais d'inscription : c'est à dire la sélection par l'argent.

Il est clair qu'un projet de clochardisation de l'Education nationale et de privatisation de pans entiers de celle-ci comme d'aggravation de la ségrégation scolaire est En Marche.
Il faut vraiment tout faire pour arrêter l'ANTISOCIAL





1- Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de L'Education nationale, Repères et références statistiques 2017. p320

2- CNESCO, Comment l'école amplifie-t-elle les inégalités sociales et migratoires ?, rapport scientifique 2016 p.33
3- voir à ce sujet : Christophe Guilly, Fractures françaises, Flammarion, 2013.
4- "L'inégal accès au bac des catégories sociales", Observatoire des inégalités, 14 juin 2017
5- "Les milieux populaires largement sous-représentés dans l'enseignement supérieur", Observatoire des inégalités, 1er septembre 2017.
6- "Inégalités de traitement des étudiants suivant les filières en France ", Sciences en Marche, 19 octobre 2015.
7- Ministère de l'éducation nationale, Etat de l'école - 2016, n°26, décembre 2016 p.20.

Commentaires

1. Le 29/08/2018, 16h33 par Jean-Charles

Grand merci pour ce travail qui nous servira pour la réflexion mais aussi pour l'action.

2. Le 30/08/2018, 15h04 par Jean-Charles

Grand merci pour ce travail qui peut nous aider à communiquer ...à militer pour le changement futur !

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