POUR UNE "ACADÉMIE DU PROJET" ...

Notre République a besoin d'un " Projet Éducatif " adapté aux conditions économiques, sociales et culturelles du XXIème siècle.

Oui ! "La Refondation de l'Ecole de la République "est nécessaire eu égard à l'histoire de sa mise en place, à l'histoire de ses réformes et à l'évaluation de ses résultats (PISA et OCDE) comme aux risques qu'elle court face à la montée des populismes.

Seule l'action ministérielle y peut mais...

Depuis le début de la macronie, les ministres de l'Education nationale se succèdent et n'ont de cesse d'imprimer leur marque sachant que leurs jours sont comptés et ce au détriment de toute cohérence et continuité de l'action sur le long terme sauf si l'objectif non avoué est de faire la preuve que le système éducatif mérite d'être supprimé et l'Education totalement livrée à la loi du marché.

Cette situation ne date pas d'aujourd'hui.

Sur 38 annuités de carrière de 1960 à 1998, il m'a été en effet donné de connaître 22 ministres (une moyenne de 1 an 9 mois de longévité d'exercice) qui ont travaillé, de façon segmentée, à la mise en place notamment de "la démocratisation de l'accès aux études".
Une entreprise qui fonctionnerait comme cela dans le développement des ses projets courrait à la faillite.
Concernant le système éducatif le résultat atteint n'est pas brillant :
150 000 élèves ne sortent-ils (elles) pas, chaque année, du sytème éducatif sans formation reconnue ?

Pour assurer une refondation, une reconstruction, une modernisation, il faut mobiliser les forces vives de la recherche universitaire de façon pluri-disciplinaire. Celle-ci s'est fortement développée depuis le début de années 60 pour en arriver à la mise en place des U.F.R (Unités de Formation et de Recherche) de "Sciences de l'Education"dans chaque site universitaire. Il faut aussi éviter le morcellement de l'action au rythme des changements ministériels.

Un ministre est suffisamment formé et censé pour insérer son action dans le cadre de ce qui est en cours, dans le cadre du développement d'un projet en cours sans s'interdire de l'amender.
Encore faut-il que le travail soit organisé, avant leur arrivée, par un collectif qui devra dans un premier temps élaborer "une feuille de route" dont les tenants et les aboutissants feront l'objet d'un consensus citoyen.
Il faut pour ce faire, mettre en place UNE "ACADÉMIE DU PROJET ÉDUCATIF", organisme travaillant en permanence sur ordre du Ministère, composé, de façon équilibrée, par la représentation de tous les courants de pensée du moment et géré collégialement.
Les résultats de son travail seraient validés de façon citoyenne par le débat parmi les protagonistes ) acteurs et utilisateurs du système - avec possibilité pour le pouvoir politique en place de demander à promouvoir des choix prioritaires.
Une "Académie du Projet Éducatif"devra compter un certain nombre d'"INSTITUTS DE LA REFONDATION DE L'ÉCOLE RÉPUBLICAINE"voire de "la refondation du système éducatif".
Réflexion certes, mais aussi mise en place de nombreuses situations de "Recherche-Action"sur chacun des terrains régionaux : de la circonscription pré-élémentaire et élémentaire au "Bassin de Formation-Emploi" en passant par le secteur de recrutement de chaque collège et lycée.

Un Institut correspondrait à un thème de recherche.

Toutes ces recherches étant centrées sur la "refondation" donc aussi sur la mise en place de nouveaux parcours de formation, de nouvelles structures.
S'il était besoin de convaincre de la nécessité et de l'urgence d'agir dans le sens de ce qui est proposé, il suffirait de souligner que le fonctionnement républicainqui est le nôtre depuis toujours a conduit -il faut se rendre à l'évidence- à faire perdurer le systèmemis en place dans les années 1880 par Jules Ferryapôtre de la colonisation en Indochine (Tonkin) comme de la colonisation des esprits en France métropolitaine.

De plus, il y a urgence à changer de fonctionnement.

Les évaluations internationales (PISA et PIRLS), avec toutes les réserves qui s'imposent, alertent sur la médiocrité de notre système et amènent à s'interroger sur les règles du "jeu scolaire".
En fait, élèves, parents et enseignant.e.s vivent chaque jour de l'imposture de l'égalité des chances et la réalité de la reproduction sociale accompagnée d'une violence symbolique d'autant plus forte que le sentiment d'impuissance devient permanent et apparemment fatal.
Il est grand temps de changer radicalement de dispositif et de mettre au service de la refondation les structures adaptées.
En réalité, on peut aller jusqu'à suggérer que notre système éducatif fut conçu à l'origine - et en garde la marque originelle- pour être inégalitaire.

D'un côté, le "Lycée" destiné aux élites de la Nation.
De l'autre, "L'école primaire" jusqu'au "Certificat d'études primaires" (14 ans) pour "le Peuple". Ce système a fonctionné jusqu'au début des années 1970 même si des changements socio-économiques obligèrent à quelques adaptations : "Cours complémentaires" puis "Collèges d'enseignement général" (CEG) rattachés à une école primaire avant la création des "Collèges d'enseignement secondaire" (CES) en 1974.

Dès la fin du XIXème siècle, le peuple commence à déserter les campagnes pour aller travailler à la ville, dans l'industrie et ses usines. Il faut répondre aux besoins de main d'œuvre créés par cette "révolution industrielle". Il faut éduquer suffisamment les paysans pour qu'ils deviennent des prolétaires urbains. Mais pas trop pour qu'ils ne remettent pas en question leur condition de dominé sous le joug de la Bourgeoisie. Pour ce peuple, il n'est pas trop besoin de réfléchir. Suffiront les exercices simples, répétitifs, dénués de sens, de lien avec une méthode de lecture essentiellement analytique : la b a ba donc. L'écrit est une traduction de l'oral, on part des sons faits d lettres, on déchiffre syllabe après syllabe des mots puis des phrases très peu lourdes de sens comme en témoignent les reliques de l'époque (livres de lecture) : "la poule appelle ses petits"par exemple...
On sépare les enfants en classe d'âge, on segmente les disciplines entre elles: c'est plus simple !

En fait, il est question d'éviter de développer une pensée complexe et transversale chez le peuple qui, en faisant des liens entre les choses pourrait vouloir les changer !

Eh ! Oui ! Jules Ferry n'énonçait-il pas devant les députés monarchistes de l'Assemblée Nationale que l'objectif est de "fermer l'ère des révolutions". Façon, comme une autre, de les rassurer et de consoler les congrégations religieuses d'avoir perdu le monopole éducatif.
Dans les années 60, les sociologues dont Pierre Bourdieu attirent l'attention sur les conséquences de ce système à deux vitesses : la Reproduction des inégalités, de la société telle qu'elle est.
Certes, cette pression intellectuelle conduit progressivement Collège unique, au Collège pour toutes et tous dont on ne se prive pas de faire ressortir l'hypocrisie de la démarche. Un collège pour toutes et tous dont la pédagogie est héritée de celle du Lycée napoléonien et met en échec les élèves des classes populaires. Bourdieu explique ainsi que l'école républicaine reproduit les inégalités en évaluant sur ce qu'elle n'enseigne pas : ce que l'élève est censé savoir en arrivant en classe. Certains vont même accuser l'école de proclamer une égalité des chances factice et d'exercer "une violence symbolique" sur les défavorisés.

Il est grand temps de mettre en place la démarche vers "la Refondation du système éducatif"en la confiant à une instance où siégeront tous les courants de pensée de la recherche pédagogique universitaire qu'on ne peut qu'estimer capables d'un travail coopératif d'élaboration de consensus validé ensuite par l'opinion publique : "L'ACADÉMIE DU PROJET ÉDUCATIF" .


Jean-Pierre LEROY

Professeur de maths de 1960 à 1984.
Principal de collège honoraire depuis juin 1998.
Ancien conseiller général du Nord (1998-2004)
- en charge du Conseil départemental des jeunes de 1998 à 2001
- Président de la commission Education de 2001 à 2004

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