Réflexions politiques pour envisager les perspectives d'avenir ... 3/14

"Un des traumatismes français, c'est cette volonté d'égalité qui s'est transformée en égalitarisme jaloux. "

Signé Emmanuel Macron BFM Business le 3 airs 2015.

A plusieurs reprises, Emmanuel Macron s'est inquiété d'une volonté purement française d'égalité qui tirerait vers le bas le niveau des compétences et pénaliserait les plus talentueux.
De son point de vue, donc, si tout le monde a les mêmes chances de départ alors les inégalités se justifient par la quantité de travail fournie par les uns par rapport aux autres. De là à penser que si certain.e.s n'ont pas fait d'études alors que les universités sont gratuites (presque -sic) ou si elles-ils n'ont pas réussi à profiter des possibilités du marché pour créer leur boîte, ils-elles ne peuvent s'en prendre qu'à eux-elles-mêmes puisqu'il-elles disposaient des mêmes chances au départ. Dans cet état d'esprit, de là à penser que vouloir plus d'égalité reviendrait à être jaloux, jalouses de la réussite des autres il n'y a qu'un pas.

Au fait, n'est-ce pas une caractéristique des français.es que d'être vieux et vieilles alors que dans d'autres pays la richesses semble pouvoir s'afficher...parfois de manière ostentatoire.

Donc il y aurait ÉGALITÉ de départ et INÉGALITÉ d'arrivée ...
L'égalité des chances est un concept complexe qui se définit comme une égalité initiale garantie par le société et par la loi. Il est question d'offrir les mêmes opportunités à chaque individu sans distinction d'origine, de race, de religion, de sexe et de laisser la marché opérer les répartitions en fonction de ce que chaque individu rapporte. L'égalité des chances est donc principalement une égalité de départ, l'inégalité d'arrivée ( différence de niveau d'études, de salaire ...etc ) étant due aux mérites de chacun.e .
En suivant ce concept, dans une société oui l'égalité des chances est assurée, il appartient à chacun.e d'utiliser au mieux son "capital humain" de départ pour faire en sorte d'être plus productif donc mieux rémunéré.
Le choix des études ou des formations résulterait donc principalement d'un arbitrage coût-avantage, et la rémunération -conformément à la théorie néo-classique - dépendrait de la contribution à la production. C'est d'ailleurs un point de vue que l'on retrouve dans l'intitulé de la loi Macron "pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques".

Il est cependant possible de porter un autre regard, d'avoir un point de vue plus nuancé !

Il est indéniable que l'égalité des chances, bien que nécessaire n'est pas suffisante pour assurer une société équitable. Il est évident qu'il ne suffit pas de décréter une université ouverte à toutes et tous - et donc la possibilité d'être médecin ou avocat - si dans les faits ceux et celles qui réussissent sont ceux et celles qui ont les moyens de s'offrir des écoles préparatoires privées. De même, il ne suffit pas de prôner l'égalité entre hommes et femmes si, concrètement, à qualification égale, les femmes continuent à gagner moins que leurs homologues masculins. Oui, la lecture méritocratie individuelle fait fi des inégalités de base.

Il faut arrêter de laisser croire que le choix des filières d'études dépend uniquement des individus et non de leur environnement social.

On constate même que des individus ayant les mêmes diplômes et donc en théorie les mêmes occasions d'emploi ont souvent des carrières bien différentes parce que certain.e.s bénéficient d'un "carnet d'adresses" bien rempli. Il faut aussi prendre en compte la conjoncture au moment de la recherche de travail : il est plus difficile de décrocher un emploi depuis la crise de 2008 qu'avant.

Non ! Les opportunités ne dépendent pas que des qualités des individus : elles font intervenir d'autres facteurs qui sont à chercher dans les familles d'origine, l'état de la société et les politiques économiques menées.

C'est absolument scandaleux de réduire la question de l'équité à une affaire individuelle. Les gains de la réussite tout comme le poids de l'échec ne sont pas dûs uniquement à la personne. De là à considérer les chômeurs comme seuls responsables de leur état : il n'y a qu'un pas et c'est scandaleux.

DE PLUS, IL EST UN ÉTRANGE PARADOXE QU'IL FAUT ARRÊTER D'IGNORER !

Notre société est la plus égalitaire en termes de droit sociaux et culturels et dans le même temps, les inégalités de revenus et de patrimoine progressent, entraînant une érosion de la cohésion sociale.
Depuis le début du XXème siècle, des droits de plus en plus nombreux ont été étendus à des catégories de plus en plus larges de la population. Le préambule de la Constitution de 1946 rappelle avec force l'importance de nos droits fondamentaux en matière de santé, de retraite ou d'emploi. Le vote au suffrage universel a été élargi aux femmes puis aux plus jeunes. L'autorité parentale a remplacé la "puissance paternelle". Plus récemment, le mariage a été étendu aux couples de même sexe...Cette liste n'est pas complète...Pourtant, la dynamique inégalitaire en terme de revenus et de patrimoine a connu une progression significative depuis les années 1980.Entre 2007 et 2010, les inégalités ont crû dans la plupart des pays de l'OCDE. L'écart entrer le décile le plus élevé (D1) et le moins favorisé (D9) a grimpé de 6,6 en 2005 à 7,2 en 2010. Le coefficient qui mesure le niveau des inégalités de 0 (égalité absolue) à 1(lorsqu'un individu possède tous les revenus), s'est détérioré en passant de 0,292 à 0,303. De même, au milieu des années 1970, il fallait 30 ans à un ouvrier pour rattraper le niveau de vie d'un cadre, contre 150 ans aujourd'hui. Ces déséquilibres connaissant encore plus d'ampleur quand il s'agit de considérer les inégalités de patrimoine :40% de la population ne possèdent presque rien et 10% détiennent plus de 48% du patrimoine. Dans "Le Capital au XXIème siècleThomas Piketty explique que, lorsque le taux de rendement du capital est supérieur au taux de croissance, la concentration de la richesse s'accentue, entraînant la création d'une société de rentiers.
De plus, on assiste aussi à une progression des inégalités de rémunération entre hommes et femmes comme le confirment les travaux de l'''Observatoire des inégalités '"'qui rappelle que le salaire minimum des 10% des femmes les mieux rémunérées est de 3036 euros contre 3892 euros pour les hommes, soit 856 euros de différence. Si on prend en considération les 1% des salariés les mieux rémunérés, l'écart est beaucoup plus important : les femmes gagnent au minimum 6053 euros et les hommes 9253 euros.
Il faut aussi considérer que le spectre des inégalités est beaucoup plus large que la question centrale du revenu et du patrimoine, il englobe aussi la réussite scolaire et la santé.Dans le milieu éducatif, les chances de réussite dépendent largement du statut des parents : 90% des enfants d'enseignants obtiennent le baccalauréat contre 40% des enfants d'ouvriers spécialisés. Pour la filière scientifique, la différence est encore importante : 40% des enfants d'enseignants sont titulaires d'un bac S contre 4,6% des enfants d'ouvriers non qualifiés.Quant à la santé un ouvrier vit 6 ans de moins qu'un cadre, et un ouvrier de 35 ans a 13% de risques de mourir avant 60 ans contre 6% pour un cadre.

En fait, la "moyennisation de la société"entendue comme l'homogénéisation des modes et des niveaux de vie a largement cessé de s'installer en France. La déréglementation de l'économie survenue ces trente dernières années a permis à 1% d ela population de voir ses revenus progresser beaucoup plus rapidement que ceux des 99% restant. Les classes populaires subissent aujourd'hui largement les coûts d'ajustement des restructurations industrielles, la modération salariale, le chômage d amasse et la concurrence avec les salariés des pays émergents quand la rémunération moyenne des dirigeants du CAC 40 représente 150 fois celle de leurs salariés et 213 fois l SMIC en 2015.

Dans un tel contexte, comment peut-on parler d'une "volonté d'égalité"qui serait trop forte alors que la France n'arrive qu'en 18ème position des pays les plus égalitaires de l'OCDE ? Comment peut-on parler "d'égalitarisme jaloux"quand chacun.e ne peut que constater l'augmentation des inégalités ?

En terme de lutte contre les inégalités, les chantiers sont énormes.L'égalité des chances, si elle est nécessaire, n'est pas suffisante pour réduire les inégalités de résultat. Pour une société plus équitable, il faut en fait jouer sur les deux leviers.Hélas, selon l'ancien ministre de l'Économie,actuel Président,"les impératifs du réel interdisent de porter le rêve d'égalité."
Encore une preuve que la pensée d'Emmanuel Macron, vue par certaines et certains comme audacieuse, est en réalité sous-tendue par une soumission à l'ordre et aux désordres du monde.
Pour lui, l'initiative politique est subordonnée à la mondialisation, aux critères européens et à la contrainte des finances publiques.
En fait, on ne put rien attendre de lui que ce que l'on connait déjà.

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